Accordez-moi, Seigneur, ce vin qui est aussi nécessaire que votre précieux sang. Ce vin, sans quoi, tout ici bas est laid et maussade, ce vin qui rend la vie acceptable, et tolérables les foutus contemporains que vous m'avez données.
Léon Bloy

Ce blog se base sur les travaux de Joseph Bollery et du cher Emile Van Balberghe (+2024). Ce dernier laissera un grand manque parmi les bloyens, lui qui travailla sur Bloy jusqu’à sa mort.

Le Désespéré - L'exemplaire de Max Waller

Aujourd'hui (23 novembre 2017) se vendait un très bel exemplaire du Désespéré dont le prix a largement été à la hauteur de l'exemplaire (environ 2500 euros frais compris). A titre personnel, je considère que les exemplaires les plus désirables de cet ouvrage sont ceux de proches de Bloy à l'époque de la parution. On en connaît finalement assez peu, celui de Max Waller est de ceux-ci. 

Cet exemplaire était donc en vente à Nantes (Nantes Talma enchères, Vincent Cesbron consultant) avec la description suivante : 
Bloy (Léon) Le désespéré. Paris, Nouvelle librairie A. Soirat 1887. In 12° demi toile à coins, couv., conservée, 430 pp. Exemplaire enrichi d'un double envoi de Léon Bloy à Max Waller (Titre et faux-titre) [deux faux-titre en réalité, un ajouté] « à mon frère Max Waller. Ces inutiles vociférations d'un blasphémateur contre le Saint Sacrement de la Crapule ... » et de la clef du désespéré avec corrections (1 ff., contrecollé en regard de la dédicace). L'écriture parait etre celle de Léon Bloy. Rare exemplaire

 Et la photo de la dédicace que nous reproduisons ci-dessous :

Photographie interenchères


Venons en aux intérêts de cet exemplaire :

I : La clef manuscrite :


Une clef manuscrite se trouve en début d'ouvrage. L'expert indique lui-même "L'écriture parait être celle de Léon Bloy". Je pense aussi qu'il s'agissait bien de l'écriture de Bloy.


II : Le dédicataire : 

Maurice Warlomont dit Max Waller était un jeune écrivain né à Bruxelles en 1860. Il mourut jeune, à seulement 29 ans en 1889, après avoir fondé à seulement 21 ans La Jeune Belgique, journal qui lui survivra jusqu'en 1897. 

Le plus grand fait d'armes de Waller est d'avoir découvert Les chants de Maldoror du comte de Lautréamont. C'est bien lui qui a permis à l'ouvrage de sortir des tréfonds de la littérature où il était, et même s'il est certain qu'un jour il en serait sorti, c'est en publiant des extraits dans La Libre Belgique en 1885 et en envoyant des exemplaires à ses correspondants français que le livre a acquis une première notoriété, avec que les surréalistes s'en emparent.

Ainsi, Waller envoya un exemplaire à Péladan et Léon Bloy. Et donc, la première mention de l'ouvrage dans un écrit imprimé en France est dans Le Désespéré (p.35-40 de l'édition Soirat). Bloy fera aussi un article dans La Plume en 1890, premier article en France, intitulé Le Cabanon de Prométhée.
Notons que Jules Destrée, lui aussi de La Jeune Belgique, envoie un exemplaire à Joris-Karl Huysmans.


III : Les dédicaces :

La description indiquait double envoi sur le titre et faux-titre. En réalité, il y a deux faux-titres ici, chacun avec un envoi de Bloy. Les deux envois sont très proches.
Celui photographié sur Interenchères : 
à mon frère Max Waller//ces inutiles vociférations//d'un blasphémateur//contre//le Saint Sacrement de la Crapule//Léon Bloy
Celui non photographié :
à mon ami Max Waller,//ce volume de blasphèmes//contre le Saint Sacrement//de la Crapule.//Léon Bloy

On remarquera que les deux envois sont proches. La raison précise nous est donnée par Emile Van Balberghe que nous remercions à nouveau :
Bloy ayant offert un exemplaire incomplet du livre, envoie à Waller « un autre exemplaire […] avec une dédicace qui doit être à peu près identique à celle qu’[il] avai[t] écrite sur l’exemplaire défectueux » (Léon Bloy, lettre à Max Waller, Paris le 26 janvier 1887 : Jean Warmoes, Léon Bloy et Max Waller. Avec des lettres inédites, dans Bulletin de l’Académie royale de Langue et de Littérature françaises, t. 58, n° 1, 1980, 86). À la demande de Bloy, Waller renvoie l’exemplaire incomplet mais en conserve le faux titre qu’il relie en tête du second exemplaire. Cf. Georges Rouzet, Léon Bloy et ses amis belges. Liège, Solédi,   « Notre carrefour », n° 5, [1946], 37.
L'exemplaire avait en effet subit une erreur au brochage, ayant les pages 75 à 108 répétées après la page 180 au lieu d'avoir les pages 180 à 217. Waller a donc renvoyé cet exemplaire en conservant le faux-titre et il fit relier le tout ensemble. Bollery mentionne cet exemplaire comme appartenant alors à un bibliophile rochelais, bruxellois par intermittences

IV : Le nombre d'envois à Waller :

Max Waller étant décédé en 1889, il est bien évident qu'on ne connait que très peu d'ouvrages de Bloy dédicacés à Waller. 2 précisément. C'est exemplaire du Désespéré et un exemplaire du Pal, passé aux enchères le 30 avril 2014 et vendu par la librairie Saulnier ensuite.

En conclusion, cet exemplaire est très beau, l'enchère a été à sa hauteur.

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